samedi 24 janvier 2015

6) A l'aube du quatrième jour. (2021)


Aéroport de Puerto del Rosario, Fuerteventura, Canaries, 15 h 40.

Depuis quelques années, j'ai pour habitude de venir naviguer une quinzaine de jours en été aux environs de Corralejo. C'est la bonne période pour le vent, l'alizé de nord-est soufflant en général entre 15 et 25 noeuds, et même si c'est parfois un peu la roulette russe pour choisir le bon spot, il y a souvent de quoi faire de la vague sur les plages de Cotillo, Punta Preta ou d'El Burro.

Cette dernière est plus connue sous le nom de Glass Beach et lorsque celle-ci daigne fonctionner, on y windsurfe de très belles gauches glassy qui s'enroulent régulièrement sur un reef de lave un peu aggressif. Peu de sauts sur cette plage où le vent rentre side off shore bâbord mais des surfs frontside d'excellente qualité, à faire pâlir un hawaien bon teint sur des séries qui excèdent malheureusement rarement les deux mètres.

Dès notre descente de l'avion, Emmanuel Baudon et moi avons bien senti que quelque chose n'allait pas... Le vent souffle certes à 25 noeuds mais il est orienté plein est ! La houle qui se forme entre le continent africain et l'archipel des Canaries est donc très grosse mais aussi très désordonnée, et en longeant la route côtière pour rejoindre nos futurs appartements, nous sommes d'accord : il va y avoir une sacré bonne navigation à effectuer lorsque l'alizé va reprendre sa direction habituelle...

Glass Beach, 92 heures plus tard, 7 h 45.

Cela fait 3 jours que nous sommes arrivés et après avoir récupéré du matériel de location chez Ben Thomas, un ancien coureur du World Tour qui tient une boutique sur la plage de Flag Beach, on a du se contenter jusqu'à présent de sessions de ''bump and jump'' pas très enthousiasmantes et sur des spots abrités. Mais aujourd'hui, c'est le grand jour !

Le vent est repassé au nord-est, souffle à 20 noeuds et la houle est toujours bien présente sur le spot d'El Burro. De magnifiques séries rentrent à un bon 3 mètres voire high mast pour les plus belles et pour ne rien gâcher à la fête, la marée est haute : les vagues déroulent donc à la perfection. En plus, il n'y pas l'ombre d'un windsurfeur sur la plage, et donc pas de problème pour se garer dans les magnifiques dunes de sable blanc le long de la route. En 5 minutes, nos deux 5.3 m² North Wave sont grées et montées sur nos flotteurs Fanatic Wave Goya, et c'est le top départ pour une session magique !

Sur le bord aller aujourd'hui, nous sommes au planing même dans l'inside, ce qui est suffisamment rare sur ce spot pour être signalé. Ensuite, il suffit de contourner la barre pour aller se placer tranquillement au pic. Un petit bord en lofant sur l'épaule pour bien se placer puis retour vers le rivage en visant soigneusement le monticule de pierre de lave situé sur la pointe. Et lorsque l'on sent la vague gonfler sous sa carène, en avant pour une succession de rollers plus étourdissants les uns que les autres. On se croirait en Indonésie ou sur un grand 8 ! Il est possible de la jouer cool, en restant à bonne  distance de l' épaule, ou bien de faire le malin et envoyer l'aérial sur des lèvres velues en choisissant les bonnes sections, celles qui ne ferment pas trop et d'où l'on sortira normalement indemne en cas de mauvaise réception ! Les conditions sont vraiment au top et pourtant, après un quart d'heure de navigation, je vois le Manu qui rentre en trombe vers la plage, enfourne son flotteur dans son véhicule et file comme un dératé en direction de Corralejo. Quelle mouche l'a donc piqué, sachant que sa voile est restée sur la plage ?

Je le vois revenir 10 minutes plus tard, après avoir troqué auprès de Ben son flotteur de 81 litres contre un autre plus maniable de 74 litres. Comme il le dit lui-même, ''C'est de la folie!''. Après trois heures de ce régime infernal et des dizaines de vagues lacérées mais aussi quelques sacrées bons wipe out dans la mousse, nous nous écroulons fourbus sur la plage, alors que les vagues perdent en taille et en puissance avec la marée descendante et que l'alizé commence à présenter des signes de faiblesse. Retour au bercail pour un déjeuner pantagruélique en compagnie de femmes et enfants, lesquels ne comprennent pas bien pourquoi nous engloutissons toute cette nourriture avec un sourire béât...

Après une petite sieste réparatrice, nous sommes repassés dans l'après-midi revoir le spot de Glass Beach. Certes, cela fonctionnait toujours très bien, mais cela n'avait pas la saveur de la matinée. C'était la cohue sur certaines séries, entre les touristes allemands munis d'une grosse planche de type FreeWave peu maniable, des planchistes italiens hurlant pour essayer de taxer une ou deux vagues, et les rideurs locaux comme Stéphane Etienne ou encore le très doué Alex Mussolini qui essayaient de charger sévèrement au beau milieu de tout ce petit monde...

Aujourd'hui encore, j'ai toujours dans les jambes les sensations uniques ressenties pendant les bottom turns lors de cette session d'anthologie !

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