samedi 24 janvier 2015

5) Lucky Luc. (2021)


Païa, Maui, Hawaii, août 1992,5 h 30.

Cela fait quelques jours que je suis arrivé dans l'archipel hawaïen et encore sous l'effet du jetlag, je me réveille très tôt le matin. Je loge comme d'habitude au ''360°'', une grande maison partagée en plusieurs appartements. Elle appartient à Hank Roberts, un vieil homme très sympathique toujours prêt à rendre service. C'est aussi un écologiste convaincu : hier, il n'a pas hésité à faire le tour de l'île au volant de sa Toyota pour aller soigner une tortue blessée et l'aider à regagner l'Océan.

Plutôt que de tourner en rond dans ma chambre, je décide de faire une balade et de prendre mon petit déjeuner dans les environs de la plage d'Hookipa. J'estime qu'il est trop tôt pour une session de surf, mais mes deux voisins texans ne sont manifestement pas de cet avis : je les surprends en train de sangler fiévreusement leurs planches sur le toit de leur break Chevrolet ! Je saute  alors moi aussi dans mon pick-up et sous les premiers rayons du soleil, me voici en train de serpenter le long de la route côtière menant à la plage d'Hookipa Beach Park.

Une fois sur place, je m'installe avec jus d'orange et pancakes sur la célèbre butte surplombant les ''rocks''. Il n'y a personne pour l'instant, mais dans quelques heures, il y aura ici de nombreux photographes armés de téléobjectifs dernier cri, et à l'affût d'un high backloop de Robby Naish ou d'un off the lip appuyé de Mark Angulo ! Dans le lagon, deux raies se promènent de concert, tandis qu'au large, un banc d'au moins 150 dauphins (j'ai compté !) s'amusent à jouer à saute-mouton : dis-donc, il y a de la faune par ici...

Même jour, Hookipa, 14 h 30.

L'alizé de nord-est souffle à 25 noeuds, et les vagues font un joli mètre cinquante, des conditions idéales pour envoyer de bons rollers sur le flotteur que je viens de racheter à Phil Mac Gain. C'est un peu la cohue sur certaines séries, mais quel plaisir de partager la session avec des planchistes locaux comme Robby Seeger, toujours très cool et souriant, ou encore le jeune Franscisco Goya, 14 ans, un minot qui promet...

Alors que je termine un hélicopter tack dans le lagon et que je m'apprête à repartir vers le large, un rideur complètement surexcité me frôle à pleine vitesse en hurlant ''Shark ! Shark!''. J'avoue croire un instant à une mauvaise blague mais on ne sait jamais, restons calme, un petit sinker jibe tout en douceur... et direction la plage ! J'y retrouve notre windsurfer, les yeux exorbités, et tremblant comme une feuille. C'est un français vivant en Californie et ce que vient de vivre Luc tient tout simplement du miracle...

Il s'en est allé faire une petite virée au large, très au large, à tel point qu'il distinguait à peine les voiles des funboarders évoluant en bord de plage. Il est tombé au jibe puis s'est dit qu'il allait en profiter pour régler le velcro de l'un de ses footstraps, ce qui prend un peu de temps. Il s'est ensuite détendu quelques instants en se baignant tranquillement à côté de son flotteur et c'est là que l'impensable s'est produit. Il a senti une créature marine le soulever hors de l'eau mais sur l'instant, il n'a pas paniqué car pratiquant couramment la plongée, il est habitué à rencontrer des dauphins et à jouer avec eux. C'est lorsque qu'il a vu passer une nageoire dorsale de près d'un mètre de haut qu'il a compris qu'il était temps de déguerpir !

Sa description de la bête laisse peu de place au doute : dos gris, avec des zébrures noires, c'est très probablement un requin tigre, un redoutable prédateur responsable de plusieurs attaques fatales sur les surfeurs des îles d'Oahu ou de Kawaii, et plus récemment d'une nageuse sur la côte sud de Maui. Et c'est manifestement un gros spécimen au vu des dimensions de l'aileron...

Luc est sous le choc et après s'être un peu remis de ses émotions, il décide sagement de plier bagages. Lorsqu'il s'est retourné pour marcher en direction du parking, nous avons remarqué qu'il avait eu le mollet droit complètement râpé par la peau du squale, une véritable toile émeri aux dires des spécialistes. Dans la soirée, en discutant avec l'un des vendeurs du shop de Doug Hunt, l'inventeur du barrel roll, j'apprendrais que les spectateurs présents sur la butte d'Hookipa ont observé des ailerons de bonne taille croisant derrière la barre dans l'après-midi.

Depuis ce jour, je jibe toujours au maximum sur la dernière vague de la série en zone tropicale!

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