samedi 24 janvier 2015

17) Broken nose. (2021)


Le Marin, Martinique, France, février 1992, 8 h 45.

L'hiver est la meilleure période pour pratiquer le windsurf dans les Antilles. Dans ces îles des Caraïbes, l'alizé souffle régulièrement entre force 3 et force 6, et à condition de choisir une plage exposée à la houle de l'Atlantique, il y a moyen d'y attraper de jolies vagues. Je suis parti avec Christophe Philippe, un planchiste blonvillais adepte des belles conditions de surf frontside, et ma femme, laquelle apprécie plutôt les bords de freeride sur eau plate mais ne dédaigne pas s'aventurer à l'occasion dans des vagues de taille modérée.

Nous logeons chez Alain Blotière, un ami normand qui tient un centre de location de planche à voile et de kitesurf sur la magnifique plage de Cap Chevalier. On y pratique le slalom dans le lagon en toute sérénité à condition de ne pas se rapprocher de la passe et de son fort courant qui vous entraîne à coup sûr vers le large. Heureusement qu'en cas de problème, Alain veille au grain sur son Zodiac ! La vie est donc douce au pays du rhum et sous un soleil quasi-constant qui brille depuis notre arrivée.

Depuis notre appartement, nous apercevons la baie du Marin et sa multitude de bateaux au mouillage. C'est un site qu'appréciait beaucoup Eric Tabarly lorsque qu'il était de passage dans les Antilles Françaises. Aujourd'hui, le vent rentre bien et secoue fortement les palmiers. Il va y avoir de l'action, et plutôt que de retourner à Grand' Rivière, un superbe spot situé tout au nord de l'île dans le canal des Saintes, mais où la mise à l'eau dans le petit port est compliquée, nous optons finalement pour une session de vague à l'Anse Trabaud.

Le temps d'engloutir un ananas et nous voilà dans la minuscule voiture de location bourrée à craquer de matériel. Arriver sur le spot de Trabaud nécessite une certaine connaissance de l'endroit ! Entre deux champs de canne à sucre, il faut s'engouffrer dans un petit chemin cahoteux traversant les terres d'un paysan martiniquais, et s'acquitter d'un droit de passage de 5 francs car celui-ci a le sens des affaires ! Allez, encore une petite demi-heure à se faire secouer, et nous pourrons enfin jouer dans les vagues !

Même jour, Anse Trabaud, 11 h 00.

Des vagues, il y en a plus qu'il n'en faut aujourd'hui ! Une grosse houle se propage clairement sur l'Océan Atlantique, et des sets impressionnants déferlent sans relâche sur la barrière de corail. Les plus gros déroulent à taille de mât, et il y a de temps en temps une vague qui se reforme dans le lagon et finit en un shore break vicieux sur le rivage. Heureusement pour les windsurfers habitués à fréquenter l'endroit, il est toujours possible de contourner les séries, car la vague déferle en gauche et vient finir sa course sur la droite du spot, dans une zone plus calme avec beaucoup de fond. Il suffira donc de naviguer sans prendre de risques !

En compagnie de 3 autres windsurfers, Christophe et moi gréons nos 5,10 m² et vérifions le serrage des footstraps sur nos Mistral Screamer 2.65. Alain ne nous a pas trouvé mieux comme flotteur de vague, mais nous n'allons quand même pas faire la fine bouche ! De gros crabes de la taille d'une araignée de mer se promènent nonchalamment autour de nous, et d'après les locaux, il n'y a rien à craindre. C'est parti pour une formidable session !

Comme prévu, nous contournons sans aucune difficulté les séries puis loffons pour nous rapprocher du peak. Il reste ensuite à choisir sa vague (petite, moyenne ou GROSSE!) puis à envoyer un premier bottom lorsque l'on estime que l'on commence à être dangereusement proche de la caye. A ce petit jeu, Christophe choisit toujours les vagues de la troisième catégorie ! Le jeune homme a vécu quelques temps sur l'île de Maui en 1986, travaillant en qualité de cuisinier au restaurant le Charley's, l'établissement préféré d'un certain Mike Waltze. Question grosses conditions, il en connait un rayon. Je me souviens qu'il avait ramené en Normandie des vidéos sur lesquelles il dévalait et windsurfait des vagues largement over-mast, dans un vent d'à peine force 4. Comme il le disait lui-même à l'époque, ''Il suffit de s'élancer au bon moment pour passer la barre, et de ne pas charger si la lèvre est menaçante'' . Facile !

Pour l'instant, je me contente d'assurer au bottom afin de conserver le maximum de vitesse une fois lancé sur la vague, le vent un peu on shore ne facilitant pas les remontées sur l'épaule et les off the lip. Il faut vraiment bien ouvrir la voile lors de cette manoeuvre, mais une fois que l'on a compris la technique, c'est très efficace et nous profitons donc pleinement de toutes les sections. De temps en temps, je reviens jiber en bord de plage dans le lagon pour vérifier que tout est OK pour ma femme. Celle-ci y navigue en mode freeride en 4.8 m² et après une petite heure de navigation, nous lui proposons de l'escorter pour aller faire un tour au large.

Encore un fois, contourner la barre ne présente aucun danger, et comme elle est partante, nous voici en train de nous diriger vers le large en ondulant sur de gros trains de houle. Aucun d'entre-eux ne déferlent sur la droite, mais sur le reef 100 mètres au vent, c'est une autre histoire !

A la vue de ces monstres liquides qui se fracassent sur la caye, Monique est un peu stressée. Mais après avoir pris la mesure du spot, elle va finalement loffer plus que prévu et s'offrir quelques bons drops sur des séries avoisinant les 3 mètres. Ceci dit, elle est tout de même un peu tendue, et cette petite escapade va lui coûter beaucoup d'énergie, un détail qui aura son importance un peu plus tard dans la journée. Au bout d'une demi-heure, elle décide donc de repartir sagement faire une pause sur le sable, tandis que Chistophe et moi, nous repartons jouer dans les séries. 20 minutes plus tard, un planchiste à la mine défaite vient me rejoindre au large, et m'annonce que je ferais bien de ''rentrer voir Madame!"...

Il n'a pas tort. Après un quart d'heure de repos, Monique a décidé de remonter sur son flotteur afin de tirer quelques bords dans le lagon et de surfer dans les vagues du bord. Elle est malheureusement tombée dans le shorebreak, et trop fatiguée, elle n'a pas pu éviter le nose de sa planche qui l'a percutée en plein visage...

Bilan, un nez cassé et un retour en France métropolitaine quelques jours plus tard pour une opération au CHU de Caen qui s'est heureusement très bien passée !

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