samedi 24 janvier 2015

10) Les géants de la route. (2021)


Labenne, Pyrénnées Atlantique, France, juillet 1996, 8 h 45.

C'est la chaleur intense qui me fait sortir de la couette et surtout de la tente en cette belle matinée d'été. Le soleil commence à taper fort sur la toile malgré l'ombre des grands pins maritimes, et la chaleur devient alors vraiment insupportable. Cela tombe bien : ma femme, mon fils et moi avons rendez-vous avec les frères Puglisi à 10 h 00 sur le parking dominant l'Océan Biarritz Surf Festival. Alors en avant pour une petit déjeuner champêtre dans le camping des Flots Bleus, et une fois tout le barda empilé dans le coffre de la Ford, me voici surveillant la moment propice pour l'engager en toute sécurité sur la D810 reliant Tarnos à Bayonne.


Un coup d'oeil à gauche, un autre à droite, et la première voiture que j'aperçois est un break Volvo tellement bourré à craquer de matériel que je distingue à peine les passagers à l'arrière. Le hasard fait vraiment bien les choses car ce sont les  3 Pug's ! Nous les rejoignons alors après une petite course-poursuite néanmoins respectueuse du Code de la Route.


Une fois de plus, Philippe, Raphaël et Sébastien ont vidé le garage familial. Ils ont emmené avec eux tout un tas de planches de surf différentes, du longboard à l'évolutive en passant par un gun, sans oublier du matériel de windsurf pour chacun d'entre-eux ! Un quatrième larron s'extirpe à grand-peine du véhicule, et les trois frères nous présentent alors Sylvain, un de leur ami surfer. Nous nous mettons d'accord sur la route à suivre et après un passage express au BSF pour y admirer les pas croisés de Joël Tudor et le style chaloupé de charmantes compétitrices hawaïennes dont j'ai oublié le nom, cap au sud-ouest en direction de l'Espagne.


Notre destination finale est le sud du Portugal, que nous atteindrons après 2 jours de route sous un soleil de plomb et une température infernale. Plusieurs décès seront d'ailleurs recensés à cause de la chaleur pendant cette période, et nous passerons une après-midi à se rafraîchir dans la piscine d'un camping après avoir frôlé le malaise sur le parking d'un supermarché par plus de 45°C...


Une fois arrivés à Sagrès, nous louons pour un tarif très raisonnable une maison, laquelle va devenir notre camp de base pour une dizaine de jour. Les spots de surf ne manquent pas aux environs du Cap Saint-Vincent : Tonel, une vague tranquille mais finalement assez puissante et sur laquelle Sylvain fera de jolis progrès, Mareta, un spot de repli qui nous fera le plaisir de fonctionner de fort belle manière un soir au coucher du soleil, ou encore Castelejo, où tout le monde prendra de jolis petits tubes en compagnie de Stéphane Lacasa, un windsurfer du team Oxbow bien connu dans l'hexagone.


Question funboard justement, les frères Puglisi font la tête ! La plupart des magazines spécialisés ont récemment vanté dans leurs pages les mérites de la plage de Tonel, la présentant comme un deuxième Guincho, mais ils ont manifestement oublié certains petits détails... Le spot est au pied de hautes falaises, et le vent ne rentre pas à marée haute. De toute façon, le shore break rend difficile une sortie à ce moment de la marée. Il faut donc attendre que la mer baisse franchement pour se mettre à l'eau, et dans ce cas, il y a un énorme rocher au vent qui perturbe le thermique qui souffle en général sideshore à force 5, et guère plus ! Les vagues sont heureusement présentes, et il faut donc se surtoiler pour pouvoir passer la barre en toute sérénité. Pour compléter ce tableau, il y a quelques petits rochers vicelards sous l'eau dans la zone des allers-retours, et mieux vaut demander à un local qui connait leur localisation sous peine de finir à l'hôpital. Bref, la plage horaire de navigation est très courte, et il faut toujours être sur ses gardes. C'est donc pire que sur certains spots haut-normands!


Nous nous consolons avec quelques belles sessions de surf en compagnie des stars portugaises de la discipline sponsorisées des pieds à la tête, comme celles scorées sur la plage de la Pointe Rousse. C'est une baie où s'enroule une magnifique gauche, et que l'on atteint après avoir roulé sur une piste poussiéreuse pendant plusieurs kilomètres. L'entrée de celle-ci se trouve à proximité d'un restaurant près du cap Saint-Vincent, et pour la suite du chemin, je vous laisse chercher ce "secret spot" qui, de nos jours, ne l'est plus vraiment.


Après un semaine de ce régime, les Puglisi n'en peuvent plus de sortir exclusivement leur planche de surf et de laisser leurs flotteurs de wind griller au soleil par 35 °C sur le toit de leur véhicule. Après une soirée épique, où chaque frère explique aux deux autres qu'ils lui doivent une somme rondelette en remboursement de soi-disantes courses ou de pleins d'essence (il faut assister à ça au moins une fois dans sa vie !), ils prennent la décision de remonter tout au nord du pays, à Molédo, là où le vent souffle en ce moment d'après un rideur normand présent sur place.


Il faut dire que tailler la route ne leur fait pas peur ! Je me souviens d'un surftrip en leur compagnie dans le sud-ouest de l'Angleterre. Bloquée par l'Irlande, la houle de nord-ouest était faiblarde à Sennen Cove, qui est pourtant le meilleur aimant à vagues de la région, et nos trois lascars n'avaient pas hésité à  rouler jusqu'en Ecosse pour retrouver un swell digne de ce nom !


Quelques jours plus tard, nous rendons les clés de notre location et décidons de les rejoindre en remontant nous aussi au nord de Porto, à la frontière entre le Portugal et l'Espagne.


Après une petite escale à Lisbonne, où dans certains quartiers, les bidonvilles font penser au favelas brésiliennes, direction à Ericeira  pour une session de surf hard-core sur la plage centrale que je vous déconseille : c'est plein de rocks!


Le lendemain, nous voici à Molédo, où la Nortada souffle à force 6 en accompagnant des bonnes vagues d'1 m 50. Je n'ai pris que mes planches de surf pour voyager léger en famille mais surtout ne pas faire de windsurf pendant ce trip et essayer de me débarrasser d'une blessure aux adducteurs que je traîne depuis plusieurs mois. Je vais tout à coup beaucoup mieux !


Je retrouve sur le spot de nombreux planchistes normand, de Saint-Aubin en passant par Houlgate, et avec l'aide d'Alain Desprez, un sacré rideur parti maintenant en exil du côté de l'Almanarre jouer dans les vagues méditerranéennes en compagnie d'Alex Grégoire, je pars à la quête de matériel !


En une demi-heure, j'en ai rassemblé suffisamment pour aller naviguer :une voile Gaastra par ci, une planche Copello par là, un bon vieux mât en fibre et un wishbone en aluminium, et après un sérieux échauffement au baume du tigre, me voici accroché au harnais.


Le vent est bien régulier, et j'y vais tout en douceur en saut car ma blessure me rappelle à son bon souvenir lors des appels. Pas de problème en revanche en surf et nous nous en donnons à coeur joie en off the lip, d'autant que les vagues déferlent tranquillement sur des fonds sablonneux. Les frères Desprez sont en pleine forme, de même que Franky, le shapeur des planches Cirrus, et au vent du spot, un rideur allemand immatriculé G 48 qui déchire tout ce qui passe sous sa carène.


Mais au fait ? Et nos frères Puglisi dans tout ça ? C'est l'homme qui casse des longboards en deux en tentant des tubes dans le shore break trouvillais, 
Ghislain Leguet, qui va éclairer notre lanterne : "Comme il n'y avait pas de vent depuis deux jours et que la météo nationale prévoyait un coup de Mistral dans le sud de la France, ils ont pris la route de ... Marseille !'' 


Je vous le donne en mille : le vent ne s'est jamais levé sur la Méditerranée alors que nous étions au taquet à Moledo, et les trois frères ont passé deux jours en Provence à maugréer dans la pétole avant de remonter complètement dépités en Normandie!

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